L’utilisation des drones permet aux petits producteurs d’augmenter la rentabilité du riz irrigué au Burkina Faso

Au Burkina Faso, un projet de recherche conduit en 2019 par l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA) en partenariat avec Espace Géomatique SARL, un cabinet spécialisé dans la géomatique et l’utilisation des drones agricoles, a démontré que l’utilisation des drones représente effectivement pour des petits agriculteurs un système d’aide à la décision efficace leur permettant de mieux maîtriser les coûts de production et d’optimiser les rendements agricoles..

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Au Burkina Faso, comme dans la plupart des pays en Afrique, le manque de données à haute résolution exploitables en temps réel pour guider les processus de décision des petits exploitants rizicoles et le manque d’évidence scientifique démontrant la valeur ajoutée de l’adoption du conseil généré par l’utilisation des « systèmes aériens sans pilote [1]», retardent la transformation du secteur rizicole.

En 2018, le Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale (CTA) a lancé en collaboration avec l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA) et Espace Géomatique SARL un projet de recherche visant à déterminer si les petits producteurs de riz, agissant sur la base de conseils générés par le traitement des données acquises à travers l’utilisation des drones équipés de capteurs multispectraux, augmentent leurs revenus ou réduisent leurs coûts (moins d’intrants) dans les plaines rizicoles de Korsimoro et de Mogtédo au Burkina Faso

Sites d’expérimentation de Korsimoro et témoin de Mogtédo au Burkina Faso
Démonstration sur le terrain de l’utilisation d’un drone aux producteurs

Cette étude a été réalisée en partenariat avec des membres sélectionnés de deux groupements de producteurs de riz basés dans les communes de Korsimoro et de Mogtédo. Les producteurs des deux sites ont été rencontrés séparément afin d’expliquer le contexte du projet et son déroulement. Leurs avis ont été par la suite recueillis pour effectuer leur profilage.

On note que le site de Korsimoro (31 producteurs) a servi comme site d’expérimentation et celui de Mogtedo comme témoin (20 producteurs).

Le choix du domaine d’étude a obéi à plusieurs conditions dont la contigüité des parcelles, la similarité variétale du riz et des objectifs de production, l’éloignement suffisant des deux sites pour éviter d’éventuels échanges d’informations entre producteurs.

Par la suite, un questionnaire a été élaboré dans le but de profiler les agriculteurs participant au projet de recherche comme « traitement » ou « contrôle » et de recueillir par parcelle sélectionnée (i) des données de base, (ii) des mises à jour hebdomadaires en termes de quantités et de coûts réels des intrants (main-d’œuvre familiale et salariée, produits agrochimiques, services mécanisés, etc.) et enfin (iii) les rendements (rendement des cultures, prix de vente, etc.).

Les enquêtes socio-économiques et l’évaluation des paramètres agronomiques ont été réalisées en suivant un itinéraire technique de production de riz. Cet itinéraire comprend les phases après repiquage (reprise), tallage (nombre de thalles), initiation paniculaire (IP), floraison, stade pâteux (4-5 jours après IP), maturation, récolte et estimation des rendements (pesée des productions des producteurs).

Opérations de mise en boue et de repiquage des parcelles de riz sur le site de Korsimoro
Parcelles de riz au stade épiaison

Aux données agronomiques ont été couplées des évaluations des coûts / investissements des différentes opérations culturales pour évaluer les avantages pour les agriculteurs qui prennent des mesures sur la base des données fournies par les drones et ceux utilisant des informations classiques.

A chaque stade, un vol du drone a été effectué afin de couvrir complètement les phases transitoires des stades de développement du riz. A cet effet, l’opérateur drone Espace Géomatique a utilisé un drone Parrot Disco Pro Ag embarquant un capteur multispectral Sequoia et parfois un drone MAVIC 2 Pro embarquant un capteur RGB orienté au nadir. Les vols ont été effectués à 100 mètres d’altitude, avec des chevauchements latéral et longitudinal de 70% et 80% respectivement.

Le logiciel Pix4D Field a permis de créer des cartes d’indices de végétation avec une typologie des valeurs d’indices et des quantités d’engrais nécessaires pour chaque classe avec assistance du chercheur agronome. Ceci a permis de conseiller les producteurs sur comment fertiliser leurs parcelles en quantité et qualité d’engrais. Les cartes ci-après montrent les indices successifs et les conseils de fertilisations données aux producteurs en termes de quantités d’engrais à apporter aux parcelles.

La figure suivante est un exemple de carte NDVI obtenue à un stade phénologique donné du riz et le type d’action opérée auprès des producteurs.

Zonation de l’indice NDVI des parcelles rizicoles échantillons d’expérimentation du site de Korsimoro, au 09 novembre 2019 = phase de maturité du riz (parcelles exondées) ou floraison (parcelles auparavant inondées)

Action = Conseils de 3ème fertilisation aux producteurs, puis fertilisation en tenant compte des cartes NDVI, pour les parcelles des zones auparavant inondées

« Grâce aux cartes fournies par le drone, nous avons appris que quand le champ est rouge cela veut dire que son état n’est pas bon, du coup je me suis mis à bien suivre les conseils pour que mon champ ne soit plus rouge. Enfin de compte, j’ai récolté plus qu’avant. Ce petit avion a créé une sorte de rivalité positive entre nous, car chacun comparait son champ à celui de son voisin, ce qui a permis aux uns et aux autres de bien travailler » a dit Mariam Diallo.

Les perceptions paysannes sont positives sur la technologie des drones. Ainsi, les agriculteurs burkinabè qui ont participé aux activités de recherche, y voient une opportunité considérable en terme de: dépistage/surveillance des cultures, évaluations du volume et de la vigueur des cultures, inventaire des cultures (ou comptage des plants individuels), production de cartes de prescription, évaluation des dommages causés par les ennemis des cultures.

Ainsi, 97% des producteurs interviewés considèrent l’appui-conseils basé sur la technologie drone comme une innovation et une opportunité à saisir, s’ils visent la durabilité de leur système de production.

Selon Fatimata Ouédraogo : « Grâce à ce petit avion, nous avons appris à mieux amender nos parcelles avec juste ce qu’il faut et nos productions ont augmenté significativement ».

Cette affirmation a été renforcée par Moustapha Kiemtoré, autre producteur ayant pris part au projet :

« Avec cet appareil nous savons maintenant qu’il y a une nouvelle solution qui nous permettra de produire efficacement du riz et vendre pour prendre en charge nos familles ».

Les producteurs sont prêts à payer 5 000 CFA/ha par individu et par couverture pour le suivi de leur exploitation. L’analyse coût-bénéfice des deux types d’agriculture donne un avantage à l’agriculture de précision sur l’agriculture classique avec une marge bénéficiaire nette de plus de 200 000 FCFA/ha.

Inoussa Sawadogo en est également convaincu et il souhaite pouvoir continuer à bénéficier de ce service de conseil basé sur l’utilisation des drones :

« Nous les producteurs de Korsimoro, nous avons eu la chance de vivre cette expérience et nous demandons un accompagnement constant avec les conseils venant des informations fournies par le petit avion ».

De plus, la différence de retour sur investissement est de 31% entre l’agriculture de précision – à l’aide de la technologie drone – et l’agriculture classique.

En conclusion, si la technologie des drones se développe de façon exponentielle en Occident et plus particulièrement dans le secteur agricoles, force est de constater que l’Afrique affiche un retard marqué. Tous les États membres de l’Union Africaine devraient donc, via un processus consultatif, élaborer et adopter des cadres réglementaires nationaux relatifs aux drones, qui garantissent la sécurité, encouragent l’innovation et ne freinent pas l’émergence de fournisseurs de services agricoles basés sur les UAS ni ne découragent les investissements du secteur privé dans ce domaine.


[1] Les « systèmes aériens sans pilote » (Unmanned Aerial Systems ou UAS en anglais) incluant les « véhicules aériens sans pilote » UAV) aussi appelés « drone », un capteur (multispectrale), une station de pilotage, un télépilote et des logiciels utilisés pour le traitement des images géoréférencées acquises à haute résolution.


Rapport technique

Pouya, Mathias Bouinzemwendé ; Diebre, Regis ; Rambaldi, Giacomo; Zomboudry, Georges ; Barry, Fanta ; Sedogo, Michel ; Lompo, François. Analyse comparative de l’agriculture de précision incluant l’utilisation de la technologie drone et de l’agriculture classique en matière de production de riz et de revenu des agriculteurs au Burkina Faso. 2020. CTA: Wageningen, The Netherlands

 


A propos des auteurs: 

POUYA Mathias Bouinzemwendé
Agro-pédologue
Email: pouyabmathias@gmail.com
ZOMBOUDRY Georges
BARRY Fanta
SEDOGO Michel
LOMPO François
Institut de l’Environnement et Recherches Agricoles (INERA)
Ouagadougou, Burkina Faso

DIEBRE Regis,
Directeur General
Espace Géomatique s.a.r.l.
Ouagadougou, Burkina Faso
Email : regisdiebre@yahoo.fr 
DAMOUE Abdoul-Karim, télépilote de drone junior, Espace Géomatique,
TRAORE Carine Sinata, télépilote de drone junior, Espace Géomatique,
SALMON Chloé, télépilote de drone junior, ULB-Coopération/Espace Géomatique
www.espace-geomatique.com

RAMBALDI Giacomo
Centre technique de coopération agricole et rurale ACP-UE (CTA)
Wageningen, The Netherlands
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